Maintenant ça suffit!

J’ai passé ma vie à enseigner le judo dans les cités et les maisons de quartier. J’ai crée mon premier club de judo en 1989. Or je constate jour après jour qu’il est de en plus difficile d’enseigne le judo simplement et sainement, pour le plaisir et dans l’intérêt des enfants qui me sont confiés.

Pour certains clubs que je ne citerai pas, le judo est un « business » comme un autre. Il s’agit pour eux de faire du fric avant tout et peu importe le bien-être et l’équilibre des élèves. A Genève, certaines personnes gèrent deux à trois clubs de judo, sans trop se poser de questions.

Comment peut-on véritablement enseigner le judo quand le but est de faire du business? Parlons-nous ici d’association ou d’entreprise déguisées? Est-il possible que les besogneux du sport placent l’intérêt de leurs membres au-dessus de leurs bénéfices? C’est possible, mais j’en doute.

Ma première pensée s’adresse aux parents de jeunes enfants: doivent-ils inscrire leurs enfants dans un club de sport dans lequel ils trouveront un équilibre physique, émotionnel et mental, ou les pousser vers des clubs qui n’ont que la compétition et la récolte de trophées en tête?

Pour rappel, le Judo Club Champel s’est fixé pour but de ne PAS transformer les enfants en bêtes de compétition mais à les aider dans leur épanouissement personnel, c’est-à-dire prendre conscience de leur possibilité de réussite dans leur propre vie. C’est pour cela que j’ai choisi ce métier, pour donner leur chance à tous les enfants, particulièrement ceux qui ont des difficultés scolaires. Je parle en connaissance de cause. Le Judo Club Champel est avant tout une école du cœur. Nous travaillons avec des enseignants, des pédagogues et des psychologues afin d’améliorer en permanence nos pratique et pédagogie du sport.

Mais revenons au sujet qui m’occupe. Il y a quelques temps, le comité du club a dû se séparer d’un de ses entraîneurs qui refusait de remplir correctement ses fonctions et d’adhérer à nos principes pédagogiques orientés vers l’intérêt des enfants. Sa seule obsession était de pousser ses élèves à la compétition sans se préoccuper de leur bien-être. Après un tournoi, certaines élèves sont venues me trouver en pleurs. Elles se faisaient hurler dessus par cet entraîneur si elles ne « performaient » pas. Elles m’ont dit ne plus vouloir s’entraîner avec cette personne. J’ai donc immédiatement mis fin à son contrat car ce comportement n’a pas sa place au Judo Club Champel.

Selon la charte tout enfant a « le droit d’être entraîné et entouré par des personnes compétentes ». De plus, « un entraîneur doit adapter son entraînement en fonction des données psychopédagogiques et techniques, du développement et de la réalité de l’enfant. Les enfants sont trop souvent traités comme de petits adultes, ce qui conduit à des programmes d’entraînement et des cadres compétitifs inadaptés à l’enfant. » (Source: Revue médicale suisse)

Par ailleurs, je lui avais demandé de me fournir des documents légaux d’un club étranger en préparation d’un tournoi amical que j’étais en train d’organiser. Je n’ai jamais obtenu ces documents indispensables, et ce malgré de multiples rappels. Suite à ces négligences, j’ai dû annuler cet événement sportif pour lequel je m’étais profondément investi.
Il y a quelques jours, j’ai appris qu’un nouveau club de Judo venait de s’ouvrir à l’école Peschier à Champel, sous un nom qui créé la confusion avec celui du Judo Club Champel. Passons sur les raisons qui semblent avoir présidé au choix de ce nom. La moralité questionnable de ce procédé n’échappera à personne. Or qui retrouve-t-on à la tête de ce club? Cette même personne a répandu des mensonges éhontés aux parents qui s’interrogeaient sur son départ. Malheureusement, peu d’entre eux ont daigné entendre ma version de cette affaire, et c’est regrettable pour eux et leurs enfants.

Je peux comprendre que ces parents ne jurent que par cet entraîneur techniquement compétent mais pédagogiquement pas à la hauteur. S’ils paient, ils veulent des résultats. C’est le même personnage qui ne rate aucune occasion de persifler sur le Judo Club Champel et d’ignorer les valeurs fondamentales du judo. Traduction: si vous êtes une fille vous ne serez pas prioritaire. A bon entendeur.

Je lis sur leur site web que « Le Judo véhicule des valeurs fondamentales qui s’imbriquent les unes dans les autres pour édifier une formation morale. Le respect de ce code est la condition première, la base de la pratique du Judo. » Je ne peux que leur recommander de mettre en pratique ces bons principes.

Il ne suffit pas d’afficher sur son site web les valeurs traditionnelles du judo pour être un bon pédagogue. Il faut avoir intégré ses valeurs en soi, les appliquer dans sa vie et autour de soi. L’amitié, le courage, la sincérité, l’honneur, la modestie, le respect, le contrôle de soi et la politesse sont des mots creux et vides de sens s’ils sont simplement utilisés comme des arguments marketing. Mentir, médire et racoler des inscriptions à la sortie des écoles ne sont pas des actes qui attestent qu’on a compris et embrassé ces valeurs.

Le rôle éducatif d’un entraîneur et d’un éducateur sportif est de promouvoir le bien-être physique et psychique de l’enfant et développer la notion de fair-play. Cependant, sous l’influence de la performance à tout prix et des intérêts commerciaux que représente le sport, ce rôle formateur a tendance à disparaître. Privilégier chez l’enfant les motivations extrinsèques (récompenses, trophées, argent, etc.), est la meilleure manière de le conduire à un abandon sportif précoce.

J’ai pour ma part la satisfaction quotidienne de transmettre l’esprit du judo à des jeunes formidables, de cultiver le respect des autres dans une atmosphère familiale et chaleureuse, et d’aider ceux qui le souhaitent à passer leurs ceintures.
Pourquoi ai-je décidé de cesser de participer à toutes les compétitions de judo? Je répondrai simplement en disant que l’esprit de compétition et de performance a pollué le judo amateur. Je passerai vite sur les petits arrangements entre clubs (passe-moi ton champion, je te prêterai le mien la prochaine fois), sur les pratiques financières acrobatiques de certains clubs incapables de vivre sans subventions ou le comportement pénalement condamnable de certains entraîneurs. Ça existe, c’est prouvé.

Précision utile: les tournois de judo sont organisés par catégories de poids. Si votre enfant dépasse de 1kg le poids de sa catégorie, il ne peut plus faire partie de ce groupe mais passe dans le groupe supérieur, où il a peu de chances de gagner face à des judokas plus lourds, plus âgés ou plus expérimentés que lui. Or que dit la charte du sport? Tout enfant a le « droit de participer à des entraînements et des compétitions adaptés à ses capacités ».

De plus, un élève doit pouvoir choisir lui-même s’il veut participer ou non à un tournoi, sans subir la pression des entraîneurs ou celle de ses parents. Un élève doit pouvoir choisir librement s’il veut faire de la compétition ou non. La Charte des droits de l’enfant dans le sport est parfaitement claire à ce sujet: un enfant a « le droit d’être ou ne pas être un champion ». Relisez si vous n’avez pas compris.

La charte précise aussi que tout enfant a « le droit de se mesurer à des jeunes qui ont les mêmes probabilités de succès ». Je refuse d’envoyer mes élèves au casse-pipe pour avoir la satisfaction de brandir une coupe et me targuer des résultats de mon club dans tout le canton et au-delà. Je refuse de cautionner tout système qui ne respecte pas l’intégrité physique, émotionnelle et mentale des enfants. Enfin, je refuse de compromettre ma vision de ce que doit être le judo: un chemin de vie et une école du cœur.

Les revanchards du sport n’ont pas de place dans cette vision. C’est pour cela que je réitère: ça suffit!

Stan Wagner
Président, Judo Club Champel

PS : Merci aux parents, enfants, adolescents et à tous les amis et supporters qui croient au judo Club Champel, à sa mission pédagogique et à ses valeurs.

TEXTE DE LA CHARTE DES DROITS DE L’ENFANT DANS LE SPORT

• Droit de faire du sport
• Droit de faire du sport pour le plaisir et de jouer comme un enfant
• Droit de bénéficier d’un milieu sain
• Droit d’être respecté et traité avec dignité
• Droit d’être entraîné et entouré par des personnes compétentes
• Droit de participer à des entraînements et des compétitions adaptés à ses capacités
• Droit de se mesurer à des jeunes qui ont les mêmes probabilités de succès
• Droit de faire du sport pour la santé en toute sécurité et sans dopage
• Droit d’avoir des temps de repos
• Droit d’être ou de ne pas être un champion

La Charte a été élaborée en 1988 par le Service de santé de la jeunesse et le Service des loisirs de la jeunesse de l’Office de la jeunesse pour promouvoir un entraînement sportif adapté aux besoins, aux rythmes et aux particularités de chaque enfant. Le Département de l’instruction publique, de la culture et du sport (DIP) encourage une large diffusion de la Charte afin d’inciter le plus grand nombre de clubs à tenir compte du bien-être physique et moral des jeunes sportifs.